Le Seigneur des Champs

| Publié le par Alex
Crédit photo : Eric Houdas

A 51 ans, le cycliste beauvaisien Eddy Seigneur a connu une carrière pleine, obtenant notamment un titre de champion de France sur route en 1995 et quatre titres de champion de France du chrono. Mais c’est sur le Tour qu’il a obtenu la reconnaissance. Pour sa première participation, le beauvaisien damait le pion aux sprinteurs pour s’offrir, lors de l’ultime étape, un succès de prestige sur les Champs-Elysées. Retour sur un début de carrière qui l’aura vu s’offrir la consécration il y a très précisément 26 ans.

Des débuts au VC Beauvais


Eddy Seigneur débute le cyclisme à 13 ans au VC Beauvais après avoir arpenté les terrains de foot et les tatamis. Très vite, il se découvre des qualités de rouleur au sein de l’équipe de France junior avec laquelle il dispute les championnats du monde junior. Après un passage chez les amateurs au CC Nogent où il remporte la Ronde de l’Oise, le beauvaisien est repéré par l’équipe Z qui lui offre une place de stagiaire. Pour sa première course, il remporte les deux épreuves chronométrées du Tour de Poitou-Charentes devant des coureurs pros référencés. Passé professionnel chez Z, il remportera notamment le prologue du Tour de l’Avenir sous ces couleurs. La formation sera ensuite connue sous l’appellation Gan en 1993, année où Seigneur remportera cinq nouvelles victoires dont quatre sur des contre-la-montre.


Un contexte trouble


Fort d’une victoire finale sur les 4 Jours de Dunkerque, le beauvaisien de la formation Gan a déjà réussi son année 1994. Une année qui marque en cyclisme probablement un pic dans ce que l’on a appelé les années EPO, la période la plus trouble de l’histoire de ce sport. A l’époque, certaines performances collectives ou individuelles quelque peu suspectes se succèdent avec en point d'orgue la très célèbre démonstration de l’équipe italienne Gewiss auteur d’un triplé stupéfiant sur la Flèche Wallonne en avril.

"Avec l’EPO, le cyclisme est devenu un sport de science. La première recrue maintenant, c’est le médecin !" avance Gilles Delion, ancien coureur professionnel, dans les colonnes de nos confrères du magazine Pédale !

C’est donc dans ce contexte agité qu’Eddy Seigneur participe à 25 ans à son premier Tour de France, lui qui revendique faire le métier à l'eau claire.

"Je n’ai jamais voulu rentrer dans ce jeu-là. Je voulais que ma fille me voit vieillir, après ce que j’ai vécu avec la mort de mon père d’une crise cardiaque" avouait-il il y a quelques années à nos confrères du Courrier Picard.


AFP/Yves Sieur


Les débuts victorieux sur le Tour


Catalogué rouleur, le beauvaisien débute le Tour de France en obtenant une belle septième place lors du prologue de Lille, à bonne distance tout de même de son équipier Chris Boardman et de Miguel Indurain futur vainqueur d'un quatrième Tour de France d'affilée.

La suite de la course est beaucoup plus difficile pour le beauvaisien qui doit défendre le maillot jaune de son équipier pendant 3 jours et s’accrocher en montagne.

Mais Seigneur trouve enfin l’ouverture pour la dernière étape du Tour et le traditionnel "défilé" sur les Champs-Elysées réservé aux sprinteurs se retrouve être une fois n'est pas coutume réservé aux audacieux.

A 50 kilomètres de l’arrivée, 5 coureurs parviennent à s’échapper dans le deuxième tour de circuit. Flanqué de ses 4 compagnons d’échappée, Seigneur parvient à creuser un écart conséquent d’une minute et à deux tours de l’arrivée, l’écart est toujours de 34 secondes. Le peloton ne s’organise pas réellement derrière les cinq échappés et pour la première fois depuis 1979, un attaquant lèvera les bras sur la célèbre avenue parisienne.

Juste avant la flamme rouge, l’américain Andreu décide de fausser compagnie à ses camarades d’échappée. Le coureur de la formation Motorola semble bien parti mais Seigneur démarre à son tour et le déborde dans les derniers hectomètres, le beauvaisien peut lever les bras sur les Champs-Elysées, "une victoire magnifique et gravée à jamais" comme il le confiait à nos confrères du Parisien il y a un an.


Aujourd’hui chauffeur de taxi à Chantilly, le coureur beauvaisien n’oubliera en effet pas ce jour de juillet 1994 qui l’a consacré sur la plus belle avenue du monde.